Jean Blaye

Né en 1933, Jean Blaye exerce encore son métier avec un troupeau « joli ». Ce mot revient dans sa bouche pour parler de ses brebis choisies pour la beauté de leurs cornes et leur rusticité. « Les brebis d’aujourd’hui, elles n’ont pas de cornes et elles font du lait !!!!!!!!!! ça me dépasse ».

Sa cabane d’estive est restée modeste. Jean a souhaité qu’elle échappe à la modernisation pour constituer un témoin des anciennes cabanes.

 

La beauté de son troupeau s’illustre dans son ensonnaillage et dans sa collection de cloches, exposée à l’écomusée de Lourdios lorsqu’elles ne sont pas utilisées.

 

L’hiver, il estive à Oloron-Sainte-Marie et emprunte chaque jour, à vélo, le rond-point face au Mac Do.

Ses quelques vaches sont de races et de couleurs différentes, on y trouve la Blonde des Pyrénées, devenue rare, absorbée par la Blonde d’Aquitaine.

Nous l’avons rencontré en août 2014. Nous avons la joie de partager un film et un entretien dans lequel il donne beaucoup d’informations sur les sonnailles anciennes, la transhumance d’hiver, les races des bêtes, l’élevage.

jean blaye

 

Entretien avec  Guy BRUN, le 30 mai 1992

Jean BLAYE, berger à Lourdios-Ichère (Pyrénées-Atlantiques)

GB : J’aimerais que vous me parliez des sonnailles…

JB : Ah, les sonnailles, moi je peux vous en parler, oui. J’en ai des cloches, j’en ai des jolies aussi, et quand j’étais petit, chez moi, y’en avait pas beaucoup non plus. C’est moi qui en ai récupérées un peu de tous les côtés, celles qui me plaisent aussi. Y’a le fabriquant de Nay, Monsieur Daban, j’y étais encore hier. Il m’en a fait de jolies aussi. C’est un gars que j’estime beaucoup. C’est le fabriquant des sonnailles. Y’en a plus que deux en France ; ils sont pas nombreux eux non plus. Il est très sympa, il est très bien. Je lui avais téléphoné y’a 3 ou 4 jours… Et il m’a dit, bon, vendredi matin vous venez. J’y ai été, j’avais une demande de cloches pour d’autres, pas pour moi non plus ; j’y ai été, il me les a faites et ça s’est bien passé…

GB : Vous mettez des cloches à quelles bêtes ? Expliquez-moi ça.

JB : Ah, les bêtes, ça dépend… Les cloches, on les met aux brebis, une ou deux, à celles qui marchent devant, les meneuses. Et après, pour la transhumance, il faut mettre la grosse jamais sur celle de devant. Il faut qu’elle soit sur celle de derrière. C’est les petites, les petits carillons devant, et après l’autre qui arrive derrière et qui fait boum, boum, boum, boum, boum ! Parce que, y’en a beaucoup qui me disent : « Oh, t’as mis la cloche à celle qui est derrière… » Mais ils y entendent rien à la musique ! Eux, ils voudraient que la grosse soit devant. Ça fait très vilain : on entend le gros son devant et les petites après… Ça va pas ! Il faut démarrer petit, et après le gros à la fin. Tout le monde le sait pas et ils choisissent toujours celle qui marche devant pour mettre la grosse. C’est pas ça ! Les vrais anciens, ils disaient toujours : il faut mettre à une de derrière…  Sur la route, on entend les petites qui font cling, cling, cling ; l’autre derrière qui fait roum, roum, roum, qui arrive et alors c’est là… Il faut savoir. Il faut mettre la cloche à une belle brebis, que la cloche s’adapte à la brebis. Il faut pas mettre n’importe quoi, un collier qui a sa dimension de cou. Si y’a un gros collier, il faut prendre une brebis qui a un gros cou, ou l’inverse. Il faut que la cloche s’adapte à la bête, et pour les vaches, c’est pareil. Faut pas mettre des colliers qui sont trop lâches ou trop serrés. Il faut savoir au départ quel collier va à quelle vache. Il faut regarder la vache et le collier. On doit le savoir… Y’en a qui doivent mesurer et changer après, mais moi c’est rare si je le fais.

GB : Vous êtes presque un chef d’orchestre, en fait ?

JB : Chef d’orchestre, je suis, mais pour moi, pas pour les autres. Parce que y’en a de bons aussi ailleurs. Parce qu’on n’est pas les seuls. Parce que sur Lourdios, y’en a une équipe que, ils sont pas manchots pour ça ! Il faut pas aller leur dire qu’ils s’y entendent rien, parce qu’ils s’y entendent. Ils ont le goût, ils aiment et ils ont de quoi. Ils en ont des cloches aussi, autant que moi. C’est toujours les mêmes à peu près. Ceux qui aiment les bêtes aiment les cloches : ça cadre les deux !

GB : Un troupeau, il faut que ce soit beau quand on le regarde, et beau quand on l’entend…

JB : Oui ! Et même, vous avez un troupeau qui est très joli ; s’il n’a pas les cloches qui cadrent à la bête, ça a pas le même coup d’œil, ni le même son non plus. Il faut que ça cadre ; on le voit vite. On voit le berger aussi, s’il sait les conduire ou pas. S’il sait les appeler, les manier ou les mettre par côté, sur la route, quand il fait, quand on fait la transhumance… Y’en a certains qui les lâchent de tous les côtés ; ils savent pas faire passer une voiture, ni… Ils savent pas lever le drapeau rouge comme on dit…

GB : Le berger est fier de son troupeau, mais il faut que le troupeau soit fier de son berger aussi…

JB : Oui, il faut être fier de ce qu’on fait aussi. Moi, je fais le berger, je suis aussi fier que n’importe qui, même que… presque le Président de la République, il a son métier, c’est un grand homme. Mais moi aussi, dans mon truc, je suis un grand homme… Et tous les bergers doivent être comme moi. Il faut aimer ce qu’on fait et pas avoir honte de ce qu’on fait, non plus. Il faut pas avoir honte de le dire non plus, parce que y’a pas de sot métier, il y a que des sottes gens…

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