France

Dans son activité d’archéomusicologue, Lionel Dieu a eu la chance d’étudier plusieurs sonnailles découvertes en fouilles.

La sonnaille de Charavines-Colletière

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L’état de la sonnaille trouvée à l’extérieur de l’enceinte dans la zone de stabulation en 2005 est surprenant, même dans un contexte aussi favorable aux métaux ferreux. Le traitement de conservation/restauration qu’il a reçu permet une étude plus approfondie.

Sa forme générale conjugue le tronc de pyramide au cerveau et le tronc de cône à bouche ovale pour la jupe. Par conséquent, le côté est trapézoïdal. Les cotes sont les suivantes : hauteur 85 mm ; 70 mm sur 50 à la bouche, 52 mm par 15 au cerveau ; le battant est constitué par une barre conique forgée, avec un crochet d’une longueur fonctionnelle de 85 millimètres, mesurant 10 millimètres sur le gros diamètre. L’intérieur de l’anse en forme de voûte accuse 15 millimètres par 35.

Le corps est obtenu à partir d’une tôle pliée à froid. La fermeture est réalisée en superposant sur un centimètre deux jointures opposées couvrant toute la hauteur. Les parties sont jointes de manière très précise. On note deux rabats aux épaulettes (oreilles) et deux rivets au bas de la jupe. Une brasure uniforme couvre l’ensemble de la sonnaille et pénètre dans les joints : elle témoigne d’un traitement au four en vase d’argile clos. Un trou placé sur une épaule peut être destiné à faire évacuer le surplus de brasure afin d’éviter de souder l’anse. Cette pratique n’est toutefois pas traditionnellement attestée.

Le battant conique, en métal forgé, s’enroule directement sur la bélière. Par sa longueur, il dépasse d’un centimètre sous la bouche aussi nommée jupe. La bélière (aussi nommée boucle, porte-battant, colombelle) et l’anse (ganse) sont forgées d’une seule pièce qui passe à travers le cerveau dans deux trous de 5 millimètres de diamètre. Un renfort incrusté par forgeage est aménagé à l’extérieur de l’anse, il était fixé (soudé ?) sur les épaules.

Peu de sonnailles proviennent de fouilles :

Le site de Rougiers (Var) en offre vingt-sept avec, souvent à part, treize battants en fer et quinze en os. Elles datent des XIIIe-XIVe siècles. Nous présentons celles exposées à Rougiers.

On trouve les planches de dessins dans Démians d’Archimbaud Gabrielle, Rougiers (Var) : village médiéval déserté, 1987, Paris : Ministère de la culture et de la communication, Guides archéologiques de la France ; 14. Ce livre ne se trouve aujourd’hui que dans les bibliothèques. Le texte qui accompagne l’étude des sonnailles est surprenants. L’auteur (je ne sais pas qui a étudié le matériel) affirme plusieurs fois que certains modèles sont courants à cette époque, alors qu’à la date de la fouille le peu de sonnailles découvertes ne permettent pas d’avoir une opinion. 25 ans plus tard après l’étude d’un nombre important de sonnailles, il s’avère que les modèles sont nombreux et surtout que les typologies régionales ne semblent pas s’être imposées avant 1800, date qui correspond à la diffusion à grande échelle de la production des Granier de Castanet-le-Bas dans l’Hérault.

La sonnaille en tôle de Lazer (Hautes-Alpes) présente des traces de brasage et a conservé son battant en os. (Fouille préventive d’Arkémine sous la responsabilité scientifique de Mathilde Tissot).

La clochette en bronze coulé, également découverte à Lazer, est un modèle à piquet (anse percée d’un simple trou) sur lequel on place une lanière en cuir (conjuscle) qui se fixe sur le collier en bois de la bête.

Ardèche

La petite clochette en bronze trouvée en 2012 en Ardèche, dans un contexte stratigraphique certain entre XII et XIIIeme siècles, mesure 35 mm de hauteur pour un diamètre à la bouche de 28 mm. L’iconographie des chevaux ensonnaillés, l’environnement minier du site et la pratique traditionnelle permettent d’émettre l’hypothèse d’une clochette faisant partie d’un ensemble placé sur le collier d’un équidé : cheval, âne, mule, mulet. Aujourd’hui, cette petite clochette est parfois placée au bas d’une grelotière.
Nous ne révèlons pas l’emplacement exact du site
puisque les fouilles se poursuivent et que les pilleurs munis de détecteurs de métaux constituent un fléau permanent.

Les sonnailles de la forêt de la Hardt

Pendant plusieurs années, les sites de la forêt de la Hardt, en Alsace, ont été pillés au détecteur à métaux pour recueillir des objets de valeur. Les cloches n’intéressaient pas les pilleurs. Heureusement, un collectionneur a récupéré quelques 200 sonnailles romaines et médiévales. En 2013, le groupe de recherche APEMUTAM, grâce à l’attribution d’une subvention obtenue par l’intervention de Didier Rambaud, conseiller général de l’Isère, a pu acquérir ces cloches pour la somme raisonnable de 400 euros. Ces objets ont perdu leur histoire comme tout artefact sorti hors contexte. Néanmoins, nous allons tenter de les comparer aux autres sonnailles conservées dans les musées, exposées ou en réserve. Leur étude prendra plusieurs années : elle figurera progressivement dans ces pages. Une sonnaille parfaitement identique à celle de Charavines, mais de taille supérieure figure dans ce lot.

Synthèse provisoire

Les quelques sonnailles découvertes incitent à penser que la forme des cloches méditerranéennes actuelles puise son origine au Moyen Age. Celle de Lazer est incontestablement un clavelas, celle de Charavines un picon (petit clavelas). La série de Rougiers s’avère plus complexe : à côté des cloches régionales, proches des clavelas et clapettes, figurent des formes rondes actuellement connues dans les Alpes françaises et italiennes. Peut-être ont-elles été échangées lors des transhumances ?

De récentes publications et découvertes permettront d’approfondir la compréhension des sonnailles médiévales : Andone, Blois, Altimiris en Catalogne et Neuilly-en-Thelle (Oise) conservées au musée de Senlis.

 

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