Bruno Serieys

Bruno Serieys effectue la plus longue transhumance parmi les bergers languedociens, perpétuant la tradition des éleveurs de la garrigue montpelliéraine qui pouvaient voyager jusqu’en Margeride et Aubrac. De Murviel-lès-Montpellier à La Vialasse au pied du Mont Lozère, son voyage à pied dure sept jours.

Son troupeau constitué de brebis caussenardes et de tarasconnaises est presque totalement ensonnaillé avec des clapettes, à l’exception de quelques esquilars et de deux sonals pendant la transhumance, apportés par un accompagnateur. Contrairement à la pratique générale, Bruno remet des clapettes aux bêtes qui ont porté les clapes de draille et estive avec un troupeau totalement ensonnaillé. Ses cloches proviennent uniquement de l’atelier de Rémy Bonnel.

Sortie du troupeau un matin d’estive. Bruno encourage ses brebis de la voix, cette action s’appelle le briolage.

Pour la transhumance 2013, Bruno Serieys et Damien Dussaud n’ont pas mis de pompons. Le troupeau était uniforme par le son, compact, blanc, marqué uniquement en rouge et bleu avec des colliers de ces deux couleurs à part quelques exemplaires sculptés. Seule concession à la rigueur, les boucs portent des colliers lyres provençaux.

Le passage de ce troupeau provoque une vive émotion.

bruno rieutord

bruno sumene 

Paroles de berger

<<Quand Bonnel a arrêté je suis resté plus de 10 ans sans acheter une cloche, j’en avais d’avance, et j’en ai repris un peu à Derrives que Bonnel avait fait, bien qu’il était à la retraite, et qui ont été cuivrées à Albacete. On sent la différence avec celles qui ont toutes été faites en Espagne. En plus, les cloches espagnoles ont une anse trop petite, plus étroite et arrondie, ce qui ne convient pas au collier cévenol. Je ne fais plus de colliers, je les achète à Hervé Agrinier. Mon père allait chez Bonnel, je n’ai jamais eu de Granier ou d’Aubagnac. Les cloches se font à la longue, c’est pour ça que je préfère les choisir. Dans les Cévennes on a surtout l’esquilar, peu mettent uniquement des clapettes. Avec le troupeau, j’ai trois patoux. J’ai des brebis tarasconnaises et caussenardes. J’ai acheté des béliers en Ariège à une époque où la caussenarde était en voie de disparition, on n’en trouvait pas trop. J’ai mis 25 ans pour faire le troupeau.>>

Comment tu fais pour différencier les bêtes si elles ont toutes la même cloche ?
<<Pour reconnaître les bêtes, je ne me fie pas aux cloches. Qu’elles aient une cloche ou qu’elles n’en aient pas, je fais ça à la vue. Ici, c’est assez découvert. S’il en reste une, c’est qu’elle a un problème et on peut le remarquer bien avant qu’elle sorte du troupeau. Dans le parc, je remarque celles qui ont un problème. Dans le parc, elles se groupent par troupeau d’origine, mais la journée, elle se mélangent.
Aujourd’hui sur le Mont Lozère, il y a surtout des vaches dans des pâturages fermés. Ici, on a la chance d’avoir un vieux qui veut des moutons jusqu’à sa mort et qui refuse de louer ses terrains pour les vaches, pourtant ça rapporte plus, à l’époque la vache et son veau se payaient 1500 francs par estive (200 euros).>>

Contrairement à l’affirmation générale qui veut que trop de cloches énerve les bêtes, le troupeau de Bruno est étonnament calme. Sa façon de garder est particulière. Le matin du 11 juillet 2012, pendant l’estive, on monte pâturer sur le contrefort sud du Mont Lozère. Le troupeau avance rapidement. Bruno se retourne soudain et crie après les brebis <<On va peut-être attendre les autres !>>, les brebis s’arrêtent. C’est là que je remarque qu’il n’a pas de chien pour l’assister dans la garde, les patoux n’ayant qu’un rôle sécuritaire.

<<La chienne est en chaleur, alors si elle vient, le gros patou va l’embêter, alors elle reste et le mâle reste avec la chienne.>>

En fait, c’est toi qui fait le chien !
<<Sourire approbateur.>>

<<Un jour, j’ai gardé chez un gars qui a un troupeau laitier au-dessus de Millau, il y avait 4 ou 500 brebis à la traite, et il devait y avoir 10 cloches. Je partais le matin et j’étais un peu sur la route, moi l’habitude d’avoir le troupeau, d’entendre les cloches, j’entendais le bruit des sabots sur le goudron, ça me déplaisait, il y avait peut-être une dizaine de cloches, peut-être pas sûr, des cloches que ça valait rien du tout, elles avaient aucun son.>>

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