Transhumance cévenole

Pour la transhumance, toutes les bêtes qui peuvent porter une cloche sont ensonnaillées. Pour la circonstance, les dralhaus, grosses clapes et gros redons sont placés sur les bêtes les plus fortes. Les colliers ronds en bois sont souvent décorés. Un troupeau transhumant porte ainsi 1600 sonnailles dont plusieurs centaines de dralhaus. L’effet est extraordinaire, dans la montagne, on entend le troupeau plusieurs heures avant son arrivée.

Une partie des bêtes est tondue aux ciseaux pour réaliser des vagues et une touffe sur la croupe appelée la rose, coloriées avec une préparation particulière de terre spéciale et d’ocre. La tradition veut qu’une partie des bêtes, les moutons castrés ou des brebis avec lesquelles l’éleveur entretient des liens particuliers, portent des pompons. « Les pompons, on ne sait pas le début. On laisse partir les vieux et après on ne sait pas » dit Francis Couderc. Selon une hypothèse plausible, cette tradition remonte à la fin de la guerre 14-18. Un berger revenu du front aurait mis le pompon de son béret sur une brebis. La mémoire a oublié comment ce soldat a été imité, comment le phénomène s’est amplifié, généralisé, pour devenir une tradition. 

Les pompons sont mis en même temps que les cloches de draille. Les anciens bergers se joignent à l’évènement. Beaucoup prêtent des cloches et leurs colliers pour qu’elles continuent à vivre leur vie de dralhaus.

Pose des pompons chez Francis et Jocelyne Couderc

Ensonnaillage chez Francis et Jocelyne Couderc

Ambiance sonore dans la bergerie


Jean-Paul Loriol, un ancien berger, apporte des cloches

 

 

Pose des pompons et des sonnailles chez Lucette et Jean-Paul Moulière

Le troupeau qui perpétue cette tradition avec le plus d’enthousiasme est celui qui estive à Massevaques, sur l’Aigoual. Il rassemble les bêtes de Jean-Paul et Lucette Moulière qui transhument pendant cinq jours depuis Le Causse-de-la-Selle dans l’Hérault et celles de Francis et Jocelyne Couderc de Colognac (Gard) dont le voyage dure trois jours. Le troupeau de Francis grossit des bêtes de Guillaume et Marie-Ange à Soudorgues. 

Départ en transhumance de Francis Couderc

francis arrivee lasalle

 

Mélange des troupeaux au Col de l’Asclier
Le troupeau de Massevaques porte le nom du hameau sur lequel il estive sur les pentes de l’Aigoual. Depuis plusieurs générations, les familles Couderc et Moulière s’emploient à perpétuer la tradition en décorant le troupeau et en ensonnaillant avec le maximum de cloches, dont beaucoup d’anciennes clapes et sonals (redons). Toutes les bêtes qui peuvent porter une sonnaille en ont une.

Le troupeau de Massevaques est un troupeau coloré, gai, rebelle par ses agnelles, les adolescentes de l’espèce ovine qu’on élève avec tendresse, toujours promptes à s’écarter du troupeau. Il exprime l’engagement des bergers transhumants de maintenir la tradition, un mode de vie indispensable à l’environnement pour conserver des espaces ouverts, la sauvegarde d’espèces domestiques devenues rares : ici la brebis de race raïole.

Au pont moutonnier du col de l’Asclier, construit pour éviter la route, les troupeaux de Francis et Jocelyne Couderc venus de Colognac (Gard) se mélangent avec ceux de Lucette et Jean-Paul Moulière partis depuis cinq jours du Causse-de-la-Selle (Hérault). Il s’agit d’un événement mondial qui attire les télévisions chinoises, japonaises, Canal+, Tf1 pour ne citer que les plus connues, l’hélicoptère qui tourne pour une publicité sur les Cévennes sans avoir averti, et bien sûr de nombreux amis qui saluent les bergers et suivent le troupeau sur quelques kilomètres de draille.

asclier

Franchissement du Col du Pas
Le troupeau s’est arrêté quelques heures à Bonperrier. Vers 4 heures, les brebis décident de partir, les anciennes savent qu’il s’agit de la dernière étape. Le col du Pas est franchi vers 7 heures, le troupeau emprunte ensuite les tournants qui mènent à Aire de Côte.

col du pas

Franchissement du pont sur le Tarnon à Gaseiral
Derniers kilomètres avant l’arrivée, le troupeau de Massevaques franchit le Tarnon au hameau de Gaseiral.

gaseiral

L’enlèvement des cloches
Le troupeau arrive à Massevaques à la tombée de la nuit. Le lendemain matin est consacré à l’enlèvement des dralhaus. Les cloches sont rassemblées par propriétaire. Chacun récupère les siennes. Elles seront remises pour la descente, mais celle-ci s’effectue en plusieurs fois, chaque éleveur programmant l’agnelage à des dates différentes.
En fin de matinée, instant très émouvant, le troupeau gagne pour la première fois ses terrains d’estive.

massevaques

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